La comtesse de Ségur est ici resituée dans le contexte de l’édition spécialisée du XIXe siècle, dans un environnement thématique et moral qui n’exclut pas une originalité profonde et paradoxale. En effet, plusieurs principes élémentaires semblent gouverner son œuvre : le féminin, le religieux, l’aristocratique. Mais ces principes sont toujours illustrés d’une manière équivoque. La comtesse de Ségur résiste donc aux analyses de contenu, et son « message », quelquefois énigmatique, s’oppose même aux engagements officiels de son entourage ultramontaniste. L’ancrage aristocratique est toujours perturbé, mêlé à des valeurs « bourgeoises », tandis que certains textes manifestent une attirance pour la pauvreté, pauvreté de biens ou d’esprit. Cette complexité, qui requiert une sorte d’humilité de la part du lecteur le plus savant, permet de comprendre pourquoi ces livres, ne s’adressant pas aux enfants d’une classe particulière, conservent aujourd’hui leur puissance d’attraction, et pourquoi ils n’ont cessé de susciter un intérêt critique.